La série de photographies Primat propose une vision ambivalente de l’ocytocine en tant qu’hormone qui dirige nos rapports sociaux. Jordan Beal dévoile un panorama de clichés intimes, allant de couples qui s’échangent un baiser, cernés par des corps nus, jusqu’à l’image d’un ventre marqué par la grossesse. Le dispositif d’accrochage suggère une narration impersonnelle comme étant celle d’une espèce entière et non de quelques individus. Pourtant, les photographies, si on les considère séparément, sont à l’évidence une intrusion dans l’intimité des personnes.
Le photographe s’immisce entre ces couples qu’il met en scène dans son studio. Il se rapproche au plus près d’eux, si bien que son regard dépasse ce qui est visible ou se donne à voir. C’est peut-être l’ocytocine elle-même qu’il cherche à capturer pour la disséquer. Cette posture semble pourtant construire son mythe, et on ressent que quelque chose d’invisible se joue.
Les corps qui encadrent les couples naviguent entre sensualité et monstruosité. La lumière les déforme, les déshumanise et ne laisse transparaître presqu’aucune identité. Il ne reste que leur essence première : susciter le désir, peut-être à outrance. Le ventre, lui, propose une esthétique opposée. Loin d’être lisse ou impersonnel, C’est sa surface froissée et distendue qui est mise en avant. Mis à distance des autres photographies, le ventre devient sujet et ponctue la narration.
À travers cette série, Jordan Beal dévoile un mystère sur les relations amoureuses. Il noue des interrogations et perturbe notre jugement.
Sommes-nous piégés par nos instincts ou maîtres de nos désirs?
Pauline Bonnet